Chroniques: Interview

Speed-dating-salon avec Denis Le Vot, PDG de Dacia : "on continuera avec de nouveaux modèles sur le segment C"

Dans les coulisses du Salon de l'Auto de Bruxelles, Autofans a réussi à arracher quelques personnalités importantes pour une interview. Parmi eux, Denis Le Vot, PDG de Dacia, qui envisage l'avenir de la marque avec optimisme.
AF : Monsieur Le Vot, je suppose que vous avez de la chance car Dacia est en pleine forme.

Dacia se porte en effet très bien. Et ce, malgré les circonstances, car le marché européen est sous tension, l'économie est sous tension, il y a une forte inflation, et cela se répercute sur les prix. Pour Dacia, ce prix est important et nous constatons également que les matières premières sont devenues plus chères au cours des 4 à 5 dernières années. Notre force, bien sûr, est que nous sommes tout à fait à l'aise avec l'utilisation de technologies abordables provenant de la société mère Renault. Nous veillons également à ne pas ajouter des équipements dont le client n'a pas réellement besoin. C'est là que nous devons parfois faire des choix.

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Dacia Denis Le Vot
AF : Vous disposez néanmoins d'une gamme assez large.

C'est vrai, mais la plupart des modèles reposent sur la même plate-forme. Nous pouvons répartir les coûts. Et vous ne trouverez pas de sièges électriques dans le segment B, par exemple. Cela augmenterait le poids de la voiture, ce que nous ne voulons pas. Prenons l'exemple du Jogger, une grande voiture familiale 7-places. Il pèse 1,2 tonne, soit 280 kg de moins en moyenne que la plupart de ses concurrents. Il suffit d'imaginer le prix de 280 kilos de matériel et d'équipements supplémentaires. Cela ne correspond pas à la philosophie de Dacia. Qui d'autre peut proposer un Jogger à 18 500 € ? Personne.

Peur de la Chine ?

AF : Bien sûr, il y a aussi les réglementations européennes qui vous obligent parfois à fournir quand même certains équipements.

Oui, mais cela a toujours été une évolution normale et bien sûr, chez Dacia, nous suivons l'évolution vers plus de sécurité. Même si cela concerne surtout les modèles les moins chers, y compris les nôtres. Mais la concurrence doit aussi suivre, ce n'est donc pas un problème pour nous. Cela ne change pas notre position concurrentielle sur le marché. De plus, il faut savoir, et je prends l'exemple du Duster, que 80 % de nos clients choisissent les versions supérieures avec beaucoup d'équipements. Mais ils savent qu'ils ont le meilleur rapport qualité/prix.

AF : Nous ne sommes certainement pas les premiers à poser la question, mais n'avez-vous pas peur des Chinois ?

Non, non et non. Pourquoi aurions-nous peur ? Le sentiment que nous avons face à la montée en puissance des marques chinoises n'est pas la peur. Nous devons être conscients de leurs initiatives, nous devons garder les yeux ouverts et nous devons travailler pour rester compétitifs. La montée en puissance des marques japonaises, puis coréennes, a suscité un sentiment similaire. Nous ne devons absolument pas paniquer. Nous faisons ce que nous avons à faire et cela fonctionne.

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Dacia salon
AF : En termes d'électrification, les marques chinoises sont déjà plus avancées.

Il faut leur laisser un peu de temps. J'ai déjà dit que nous étions heureux d'adopter la technologie éprouvée de Renault et regardez ce qu'ils font. Chez Dacia, nous nous préparons à une électrification plus poussée. Notre premier grand rendez-vous aura lieu en 2027, lorsque nous présenterons la nouvelle génération de Sandero. Là encore, nous aurons l'incroyable opportunité de commencer à utiliser toute la technologie du groupe Renault, y compris en termes d'évolution des véhicules électriques. Nous pourrons ainsi choisir la meilleure solution pour Dacia et nous serons prêts.

AF : Ne trouvez-vous pas incroyable, voire un peu incompréhensible, qu'il n'y ait pas d'autres grands groupes automobiles européens qui viennent pêcher dans votre étang ? Il n'y a quasiment pas de concurrence pour Dacia.

Je ne peux pas commenter ce que font les autres, ni connaître leurs projets. Ce que je peux dire, c'est qu'il y a beaucoup de savoir-faire et d'expérience dans le développement d'une gamme et d'un produit comme le nôtre. Nous appelons notre philosophie « design to cost », en partant du coût souhaité de chaque composant. Prenons l'exemple de notre nouveau Bigster. Nous savons que les clients là-bas veulent un hayon électrique. L'équipe est venue me dire que pour cela, il fallait prévoir deux moteurs électriques dans le hayon. Je les ai remis au travail et nous nous sommes retrouvés avec un seul moteur. Cela ne marche pas toujours, bien sûr, mais nous nous efforçons de réduire les coûts sans compromettre la qualité. C'est vraiment un métier que nous maîtrisons parfaitement.

L'avenir émotionnel

AF : Peut-on dire que Dacia a connu une évolution remarquable, passant d'une marque strictement économique à une marque économique à vocation émotionnelle ? Cela peut aussi vous permettre de facturer plus cher un produit qui suscite plus d'émotion.

En ce qui concerne l'aspect émotionnel, absolument. Vous pouvez le voir en particulier dans notre nouveau langage de style. Mais nous n'avons jamais eu l'intention d'utiliser cette émotion pour faire monter les prix. Un beau design ne coûte pas d'argent, alors pourquoi l'utiliser pour ignorer notre philosophie de base, qui est d'offrir un produit abordable ? Il n'en est pas question.

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Dacia Denis Le Vot
AF : Enfin, va-t-on voir apparaître de nouveaux segments sur lesquels Dacia souhaite jouer un rôle ? Les utilitaires légers, par exemple ?

En ce qui concerne les véhicules commerciaux, je peux être clair, nous n'allons pas continuer dans ce domaine. Vous travaillez dans ce domaine avec une approche très différente à la fois du client et de la tarification, avec de nombreuses remises, etc. Et Renault est déjà très fort dans ce domaine. Mais en ce qui concerne les voitures particulières, bien sûr que nous le faisons. Nous entrons maintenant dans le segment C pour la première fois avec le Bigster. C'est un segment important et nous allons certainement y ajouter de nouveaux modèles.

AF : Quel genre de modèles ?

Vous savez, je ne sais pas tout non plus, l'équipe ne me dit pas tout, nous allons devoir le découvrir ensemble à l'avenir (gros clin d'œil).

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